Bulletin 62 novembre 2018 - Le véganisme, une question sur l’Humain?
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Bulletin 62 novembre 2018 |
Le véganisme, une question sur l’Humain? |
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Marc Scheerens
Le premier mot du titre est ignoré de mon dictionnaire orthographique qui voudrait le remplacer par vaginisme ! Je doute que les tenants de cette doctrine alimentaire radicale en soient flattés. Je ne suis pas un documentaliste mais un lecteur attentif de faits de société, toujours en quête du meilleur discours sur l’Homme. Les faits commis par certains de ces ‘primates différents’, que nous sommes devenus au fil des temps, me questionnent. De quoi sont-ils révélateurs ?
En Belgique, un couple qui gère un magasin ‘bio’ est responsable de la mort de son bébé parce qu’il a prétendu le nourrir avec du lait de soja. En septembre 2018, le ministre français de l’Intérieur apporte son soutien aux bouchers dont la devanture a été griffée par des croix gammées assorties d’autres menaces. Déjà, il y aurait comme une banalisation de ce que représente la svastika mais, en plus, les auteurs font la démonstration qu’ils sont des prédateurs comme les autres. S’il est normal de questionner largement sur le sort que les humains réservent aux animaux, s’il y a en ce domaine comme dans tous les autres un droit inaliénable à la liberté d’expression, celle-ci ne rend pas licite tous les actes commis en son nom. La littérature abonde sur le WEB. C’est le medium de notre temps. La parole circule et les idées aussi. Il y a là des cris, des appels, des questions mais aussi des insultes, des invectives et de la haine. Aurions-nous appris la tolérance ? Ne serions-nous pas restés des adeptes de la pensée unique, confortable, celle qui partagée par tous sans exception éviterait les guerres et les conflits ?
Dans le cas d’une pensée unique et universelle, il n’y aurait plus de territoire à défendre, il n’y aurait plus que des ‘amis’, façon Facebook. Peut-être est-ce la trace d’un paradis perdu ? Est-il permis de rappeler ici que l’Homme idéal de la Bible se nourrit de l’herbe des champs et de tout arbre portant fruit ? Il ne devrait jamais faire couler le sang ! Pour être complet, il faut ajouter aussi que, pour les auteurs, le même ‘interdit’ vaut pour les grands fauves, ‘puisque le loup paîtra avec l’agneau’. Faut-il voir dans ces écrits autre chose que le besoin d’une sereine cohabitation de tous les vivants, un bonheur idéalisé ? Ou alors, le véganisme serait-il le réveil de cet inconscient, la trace d’un paradis perdu à cause de la prédation ? (Dans le cycle de l’évolution, il a existé un paranthropos boisei : ce groupement végétarien n’a pas subsisté au contraire des omnivores).
Ce que j’ai perçu des adeptes du VEGAN (plus que végétarien ou végétalien) c’est l’idéal d’un monde meilleur où il n’y aurait pas d’exploitations des autres vivants par un vivant possesseur et détenteur du pouvoir de vie et de mort sur tout ce qui n’est pas lui, l’Homme. Dans Sapiens, Yuval Hariri écrivait et démontrait que notre souche de peuplement, pour s’installer, avait dû exterminer des vivants bien plus grands et plus puissants qu’elle. Nos ancêtres étaient des chasseurs/cueilleurs. Pour cette raison, Sapiens aurait acquis la station verticale complète pour mieux percevoir le danger venant des autres prédateurs. Dans le tome suivant Homo deus, l’auteur s’inquiète du sort des mammifères autre qu’humains car ils ont aussi des sentiments et des besoins (qui ne sont pas respectés). Cet état de fait, le sort de la gente animale, interroge aussi d’autres penseurs. Nous pouvons lire chez Kant : ‘On peut juger du cœur d’un homme d’après sa manière de traiter les animaux’. Cette phrase pourrait être l’occasion d’un exercice d’observation. Les chiens ont le droit de se promener dans nos rues mais les migrants humains transfrontaliers doivent être enfermés. Un philosophe contemporain, F. Lenoir, subsidie, par le produit de ses écrits une fondation ‘ensemblepourlesanimaux.org’. Chacun peut lire et s’interroger sur les poules élevées en batterie, sur la viande aux hormones, sur la nécessité des OGM…Pourtant, depuis le départ de la Vie, il y eu ce besoin d’adaptation au réel et au climat. Ne serions-nous pas globalement le résultat d’organismes génétiquement auto-modifiés ?
Poursuivant ma quête à partir des faits énoncés plus hauts, j’ai cherché à mieux connaître le pour et le contre.
Une victoire pour la cause animale
Le 03.11.2016, un juge argentin doit traiter le cas de Cécilia, une guenon devenue veuve et claquemurée dans un zoo. Ce primate a pourtant besoin de ses congénères : il est social. Par son jugement, le magistrat la fait extrader au Brésil dans une clinique de revalidation animale. Dans son attendu, nous pouvons lire : « Les primates sont des personnes juridiques non-humaines possédant des droits fondamentaux ». Ce vivant ne peut être un bien ou une possession : il existe à son égard, pour les humains, des droits et des devoirs. Dans ses attendus, il invite aussi les responsables des Etats à s’inquiéter du sort des grands tigres, des éléphants et des autres mammifères menacés. Je pourrais y lire mise en place d’une conscience autre: notre rapport à la nature et au vivant ne doit plus être guidé seulement par le besoin de posséder (animaux objets) ou de s’enrichir (élevage intensif). Il faut rechercher un autre équilibre entres les formes de Vie sur la même Terre. Déjà, en 1978, l’Unesco avait proclamé la déclaration universelle du Droit de l’animal. Un texte révisé en a été rendu public en 1990 Quand je lis l’article 3.2 ‘Si la mise à mort d’un animal est nécessaire, elle doit être instantanée, indolore et non génératrice d’angoisse ‘, je ne peux m’empêcher de faire la comparaison avec cette exécution d’humains aux Étas-Unis d’Amérique. Quand je lis l’article 8 ‘Tout acte compromettant la survie d’une espèce sauvage et toute décision conduisant à un tel acte constituent un génocide, c.-à-d. un crime contre l’espèce’, j’aurais envie que ce principe soit aussi appliqué à l’espèce humaine, vue sa lointaine origine animale ‘sauvage’. En même temps que nous pouvons percevoir le bon côté de la lutte pour le bien-être animal et la nécessité de progresser ensemble vers un meilleur éequilibre entre ‘eux’ et ‘nous’, d’autres statistique questionnent ce dont les mâles humains sont capables, comme l’augmentation de 22,2% de la violence faite aux femmes.
Un discours culpabilisant.
A lire les propos du conférencier Vegan, Gary Yourofski, il m’apparaît la nécessité de ne pas confondre ‘sentiments’ et ‘sciences’. L’anthropologie scrute l’humain avec attention et précision. Elle en suit l’évolution. La sociologie recherche et analyse les comportements et les normes convenues, qui nous disent quelque chose de notre vécu. Notre conférencier est sans doute bien intentionné : il désire le respect des autres vivants et s’oppose à la domination de notre espèce sur les autres espèces. Mais ses propos me semblent excessifs et ne prouvent rien, par manque de rationalité. Il développe chez ses écoutants un sentiment de culpabilité (comme l’auraient fait bien des prédicateurs chrétiens : stigmatiser le pécheur pour éradiquer la faute). Quand il parle du monde animal, il affirme ‘Les animaux sont devenus conscients d’eux-mêmes et rationnels !’...comme le lombric et la palourde ? Quand il parle de la nourriture : manger des fruits et des légumes parce que les bacilles E.Colli et la salmonelle viennent des excréments…et que bien sûr les choux n’en produisent pas ! Ou le miel est le vomi de l’abeille et l’œuf les règles de la poule ! Tuer un animal est une faute mais manger la victime est pire ! C’est oublier que morphologiquement l’humain s’est doté d’une mâchoire sans crocs pour augmenter sa capacité à manger de tout. L’histoire de l’évolution nous apprend par ailleurs que l’alimentation carnée a augmenté le volume du cerveau et nos aptitudes à l’adaptation. Si les japonais vivent plus vieux que les occidentaux c’est parce qu’ils mangent davantage de poissons (des animaux donc et même certains mammifères marins). L’augmentation des cancers et d’autres maladies trouvent principalement leur origine dans l’allongement de la durée de vie plus que dans l’alimentation carnée. Les ‘petits d’homme’ grandissent mieux avec le lait maternel : c’est un besoin pour tous les mammifères. Et globalement, il y a plus d’agressivité incontrôlée dans les cours de récré des maternelles que dans les rues de nos villes. S’il faut analyser et remettre en question nos comportements, cela doit se faire avec tous les moyens d’une intelligence scientifiquement éclairée et non sur base de sentiments diffus. (cf. : fondation-droit-animal.com) dont le considérant est que ‘le respect des animaux par l’homme est inséparable du respecte des hommes entre eux’.
Non à la bien-traitance
Certains lobbyistes, ressentant la naissance des méfaits possibles, pour la production animale ou la chasse, d’une prise conscience globale du déséquilibre entre les espèces vivantes et co-habitantes, font une concession à l’air du temps : inscrire dans les textes de loi à venir le néologisme ‘bien- traitance’ en lieu et place de ‘bien-être’. Le sens du concept ‘bien-être animal corresponds à ce qui a été démontré dans les attendus du juge argentin cité plus haut. Il ne suffit pas, pour trouver l’équilibre et le respect entre tous les vivants, d’admettre une mort sans souffrance, de favoriser une nourriture équilibrée, de proscrire la maltraitance, il faut reconnaître et explorer les droits et les besoins des autres espèces. Quel est le bon environnement pour un tigre du Bengale, pour les prédateurs, pour un éléphant, pour une baleine ? Qu’adviendrait-il de l’équilibre du vivant si les humains restent des Omnipotents et que seul l’appât du gain guide la mise à disposition d’une nourriture suffisante pour toute l’espèce humaine ?
N’aurions-nous pas dans nos gènes le goût de la prédation et le souci de la protection de nos territoires ? Que signifierait alors marcher ensemble vers le bonheur dans sa forme la plus simple ? Il ne devrait être ni dans la possession ou l’accaparement mais dans la justice et le partage équitable. Pour cela, il faut avoir recours à la raison pour questionner les sentiments.
Découvrir par la raison ce que nous sommes, comment fonctionne le tout de la planète Terre, favoriser les ressemblances dans l’espèce humaine, garder la place légitime de chaque espèce…un long combat à mener contre tous les obscurantismes ! Refuser les ‘Il est évident que…’ qui ne feraient l’objet d’aucune démonstration. Mes propos relèvent de la maïeutique : poser des questions et inviter qui les reçoit à chercher par lui-même ce qui serait juste et honnête pour le plus grand nombre. Si le concept VEGAN est une bonne question, l’équilibre ne se trouvera pas dans l’éducation sentimentale à la cause animale ni dans le recours à la culpabilisation. Peut-être faudrait-il retrouver l’émerveillement et la contemplation du vivant pour lutter contre la prise de possession et accepter une mutuelle et respectueuse dépendance ? La liberté de penser ne peut nuire à l’équilibre mais sa suppression conduirait à la dictature et à l’autodestruction de l’espèce humaine. VEGAN est une question pas une solution.