QU'EST-CE QUE LA LIGUE POUR L'ABOLITION DES LOIS REPRIMANT LE BLASPHEME ET LE DROIT DE S'EXPRIMER LIBREMENT (LABEL)?

Il n'y a pas si longtemps, parler de " blasphème ", c'était en Europe de l'Ouest évoquer le passé, une situation heureusement révolue où le pouvoir politique, inspiré ou manipulé par un pouvoir religieux sévissait dès qu'on manquait d'égard vis-à-vis de la religion dominante, et uniquement celle-ci. Punir le blasphème voire s'en préoccuper, c'était dépassé et archaïque.

En à peine plus de vingt ans, tout a changé sous l'emprise de deux phénomènes distincts mais qui peuvent se conjuguer entre eux, ne serait-ce que parce que les frontières d'Etat n'ont plus l'étanchéité d'autrefois.

Aujourd'hui en Europe occidentale, la question du blasphème est le révélateur des limites de la liberté d'expression et trop peu le voient. Ce sont maintenant les groupes les plus divers qui réclament  le respect de leurs idées, leurs croyances, des symboles de leur groupe par un étonnant retournement de l'idée de tolérance qui ne s'appliquait qu'aux personnes et non aux idées, nul n'ayant jamais douté que parmi ces dernières il y en avait d'absurdes et de dangereuses.

Mais  la pratique de la religion en Europe de l'Ouest se raréfie et un délit ou crime que l'on croyait souvent inséparable du domaine religieux s'est étendu à tout ce qui pouvait être sacralisé. A tout le moins les lois mémorielles le démontrent.

Dans plusieurs pays occidentaux (mais pas aux Etats-Unis), des groupes religieux minoritaires, d'apparition souvent récente, baptisés d'un terme impossible à définir, "sectes", sont l'objet d'une nouvelle Inquisition.

En 1994 la Cour européenne des droits de l'homme a retourné sa jurisprudence : alors qu'elle condamnait auparavant les législations réprimant le blasphème, elle a validé des condamnations pour ce prétendu délit. Depuis, la Cour elle-même et les tribunaux nationaux n'en finissent pas de rendre jugements et arrêts contradictoires et sans cesse plus obscurs et imprévisibles, à défaut d'être libéraux.

Dans les pays où ils sont majoritaires, de nombreux musulmans ont évolué en quelque décennies vers une vision fondamentaliste de la religion. Celle-ci peut entraîner les adeptes à se livrer aux pires atrocités pour éradiquer de la terre tout ce qui ne relèverait pas de cette version de l'islam qui incite à la peur, à la prudence mais aussi à la résistance. On ne distingue pas dans ces pays une opposition affirmée et nombreuse à cette vision. Des tendances comparables semblent se manifester dans l'hindouisme, voire dans quelques pays à majorité bouddhiste.

Mais aussi en Europe de nouveaux groupes, essentiellement musulmans, se présentent en victimes d'une société sécularisée et donc irrespectueuse.. Ce qui reste des Eglises traditionnelles essaie d'adopter la même tactique pour vaincre l'indifférence qui les entoure. Des oeuvres d'art sont détruites, l'interdiction de spectacles réclamée.

La problématique n'est pas seulement juridique. Outre les conséquences des décisions des tribunaux, il y a parfois des violences graves: l'assassinat de Theo van Gogh en 2004, les nombreuses tentatives de meurtres (dont une a été très près de réussir) sur la personne du principal caricaturiste danois auteur des caricatures dites " de Mahomet" et, en janvier 2015, l'exécution au nom de l'islam d'une dizaine de caricaturistes et collaborateurs de Charlie Hebdo.

On ne compte plus ces dernières années les humoristes ou caricaturistes qui constatent que ce qui pouvait se dire ou se dessiner sans problème il y a vingt ans n'est plus de l'ordre du possible. L'autocensure est devenue la règle au nom du "Souvenons-nous de Charlie Hebdo".

Notre association n'est pas l'antre des anticléricaux les plus intransigeants et depuis sa fondation en 1989, elle a toujours compté au moins un prêtre parmi ses administrateurs. Elle veut tirer la sonnette d'alarme, comprendre le pourquoi de la régression et lutter avec obstination pour la liberté d'expression.

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(septembre 2015)