Bulletin 59 mai 2017

Quand on ne peut plus critiquer des lois
Patrice Dartevelle

Eloge de l'athéisme
Marc Scheerens


Patrice Dartevelle

On a toujours cru qu'en démocratie, il fallait respecter, c'est-à-dire appliquer, les lois mais qu'on pouvait les critiquer tant qu'on voulait, même promulguées, par la parole, l'écrit, le dessin.

Rien n'est moins certain aujourd'hui.

J'avais déjà relevé1, après Anne-Marie Le Pourhiet, qu'existaient des lois - elle prenait exemple sur l'interdiction de propos homophobes - dont la contestation exigeait immanquablement de commettre l'infraction désignée par la loi contestée. Si vous argumentez contre l'égalité des droits accordée aux homosexuels, il est pratiquement impossible de ne pas commettre un délit d'incitation à la haine par homophobie.

Je vais utiliser quelques cas très récents. Chaque fois je ne partage pas l'opinion de ceux qui sont poursuivis mais apparemment, je me distingue de la majorité, où nul ne songe plus qu'à faire condamner les opinions qu'on ne partage pas, sans penser qu'un jour, les rôles pourraient être  renversés et qu'à ce moment il ne servira à rien d'invoquer le droit à la liberté d'expression.

Du côté de l'Espagne

En Espagne, en février-mars, un groupe ultra-catholique, appelé Hazte Oir, a équipé et décoré différents véhicules, généralement des bus, pour protester contre le mariage homosexuel et prôner le respect de la famille traditionnelle et de l'intangibilité du rôle de chaque sexe. Les véhicules arboraient sur leurs flancs des inscriptions comme "Les garçons ont un pénis, les filles ont une vulve". Rapidement les mots provocateurs ont été recouverts d'un autocollant portant la mention "censuré".

Le groupe est manifestement bien financé, probablement grâce à une association mexicaine à laquelle il est lié, Yunque. Il aurait des revenus annuels d'environ 2,6 millions d'euros, 7.000 membres et 40 employés.

Mais tout cela n'a pas été du goût d'un juge madrilène qui a interdit la circulation des véhicules. Il faut dire que les évêques, président de la Conférence épiscopale espagnole en tête, ont été indisposés par la méthode et la crudité des termes2. On les savait certes archaïques...

L'Espagne étant ce qu'elle est, il fallait encore voir ce que les Catalans pensaient de tout cela. Et la Catalogne en a profité pour marquer son indépendance en bloquant un bus litigieux à son entrée en Catalogne en menaçant ses responsables d'une amende pour homophobie3.

Ensuite un groupe américain auquel Hazte Oir est lié, Citizen Go, ainsi que l'association américaine "spécialisée" dans la lutte contre les LGTB ont promené un bus quasi identique à la version espagnole le 22 mars 2017 dans New York, devant l'ONU, la Trump Tower, etc... Les deux mots "difficiles" avaient été remplacés par "C'est la biologie. Les garçons sont des garçons… et le seront toujours. Les filles sont des filles...et....").

Empêcher cela légalement n'est guère possible aux Etats-Unis, pays du Premier Amendement. Alors les opposants ont simplement vandalisé le véhicule, à l'instar de ceux qui attaquent les centres d'interruption de grossesse. L'excuse était toute trouvée. Une responsable d'un des groupes hostiles au bus a déclaré : "La liberté d'expression est un droit constitutionnel mais les paroles ont des conséquences qui doivent être prises en considération"4. C'est le pauvre argument de rigueur pour anéantir la liberté d'expression. Il est en outre utilisé ici de manière parfaitement dissymétrique : les uns ont la liberté et les autres pas, sans doute parce que les uns ont la vérité (même si elle aussi "la mienne") et les autres pas.

'IVG et l'Université catholique de Louvain

Il n'est pas (encore) question de juge dans l'affaire belge un peu comparable avec la précédente.

Dans ses éditions du 22 mars 2017, la presse5 faisait état d'une polémique née à l'Université catholique de Louvain où un professeur-suppléant (le titre exact, "invité", prête à confusion), Stéphane Mercier, avait tonné en chaire que "L'IVG, c'est un euphémisme qui dissimule un mensonge : la vérité, c'est que l'avortement est le meurtre d'une personne innocente". Rien d'autre que la position maintes fois répétée des autorités catholiques ; elle ne devrait surprendre aucun étudiant inscrit dans une université catholique. Le tollé est pourtant général et l'embarras de l'université manifeste.

Je ne connais qu'une partie de l'argumentation du philosophe louvaniste, reprise par la presse. Elle est pour le moins particulière, sinon absurde : l'avortement serait plus immoral que le viol, qui est illégal. Il y a à l'évidence entre les deux une différence autrement essentielle. C'est consternant de la part d'un philosophe qui a été six ans assistant à l'UCL, qui est devenu docteur en 2010 et ensuite chargé de cours. L'Université catholique de Louvain est une université libre et elle peut sans doute se séparer de quelqu'un qui ne respecte pas son idéologie, ses valeurs. Elle semble mal partie. Faisant fi de la liberté académique dont elle se revendique sur son site6, elle a résolu d'entamer une procédure disciplinaire à l'encontre de Stéphane Mercier7. En cas de licenciement suivi de plainte devant le Tribunal du Travail, l'affaire pourrait être intéressante, l'UCL ayant probablement intérêt à soutenir que l'épithète "catholique" n'a plus d'autre signification qu'historique dans son cas.

L'intérêt de l'affaire, pour moi, est ailleurs. D'une part tout le monde piaffe pour que l'UCL prenne des sanctions (sans se rendre compte que le même cas dans une université publique, qui peut difficilement renier pluralisme et liberté académique, ne serait pas moins épineux) et d'autre part j'ai entendu de mes propres oreilles le vice-recteur de l'UCL, Marc Lits, sur les antennes de la RTBF La Première l'après-midi du 23 mars, dire comme en passant que qualifier de meurtre un acte parfaitement légal était un problème (ces propos n'ont pas été repris dans les déclarations suivantes). Et dans le communiqué annonçant la procédure disciplinaire, l'UCL croit pertinent de rappeler qu'elle respecte la loi de dépénalisation de 1990. L'idée est hors sujet et établit qu'il y a des limites à la liberté académique.

Mais d'où peut-on tirer qu'une loi ne puisse être contestée, même vigoureusement ?

Y aurait-il ipso facto un blasphème dans certains cas ? Le plus drôle ici est que la campagne pour la dépénalisation de l'avortement s'était appuyée, et de manière quasi décisive, sur la réalisation effective, volontaire et revendiquée d'avortement illégaux. La mémoire est courte, c'est sûr.

Et on continue l'habituelle confusion liberticide entre les opinions et les faits : revendiquer le droit à l'avortement et au mariage pour tous ou leur interdiction relève de la liberté d'expression- qui doit selon moi être la plus totale et la moins réglementée possible-, tandis que l'avortement et le mariage pour tous relèvent pour eux-mêmes d'une liberté de faire, domaine où une liberté plus grande peut être souhaitée (d'autant que la dépénalisation de l'avortement n'oblige personne à avorter) mais où la réglementation est logique (je ne vois pas ce que peut être un mariage sans base légale à moins d'en admettre une purement religieuse, comme c'est souvent le cas, même en Europe mais on pourrait le sortir des textes légaux si on voulait).

Mais selon que vous serez puissant ou misérable...

Mais curieusement, il est des cas où, contre toute attente au vu de l'ambiance générale, rien ne bouge.

Ainsi en France, a éclaté juste après le 16 février l'affaire Mehdi Meklat. Celui-ci est un jeune journaliste, écrivain talentueux, "issu des cités" (c'est le terme politiquement correct), encensé par la presse. On l'adore. Il pilote l'événement "Banlieue is beautyful", l'extase pour certains, et crée le magazine Téléramadan. Mais simultanément à ses interventions publiques faites sous son nom, Mehdi Meklat tweetait sans cesse sous un pseudonyme des messages antisémites ("Faites entrer Hitler pour tuer les juifs"), homophobes , anti-féministes, racistes anti-blancs ou mélangeant les genres ("Venez enfoncer un violon dans le cul de mme Valls", qui est juive "; "Les blancs vous devez mourir aussi vite que possible")8.

L'ennuyeux, c'est que tout le monde connaissait depuis longtemps le pseudonyme et les tweets. Le responsable de la rubrique "culture" du journal Le Monde, Michel Guerrin défend au moins son journal en disant que ces tweets étaient clairement évoqués dans un article paru dans son journal le 1er octobre 20169.

Il y a évidemment ici la conjonction de deux phénomènes. L'un est celui qui étend les privilèges et le nombre de leurs bénéficiaires intouchables. Les hommes riches ou de pouvoir ont toujours été nombreux à entrer dans cette catégorie (Fillon, les membres des comités de secteur de Nethys). Aujourd'hui cela concerne tout une caste qui s'est étendue aux hommes et aux femmes des médias pour qui il est clair que la loi ne les vise pas.

Il reste qu'alors que par l'accusation (l'inculpation n'est même pas nécessaire) d'incitation à la haine, partout en France comme en Belgique et dans quelques autres pays, on ruine la réputation de gens en une journée, ici la complaisance vis-à-vis de certains, vrais puissants ou supports utiles d'une idéologie en cour, peut faire son oeuvre, sans fard, sans honte et sans excuses. La Fontaine le disait déjà !

Qu'est-ce à dire?

On me rétorquera que je défends la liberté d'expression de gens qui ne me l'accorderaient jamais. C'est probable mais la lutte pour une juste cause comme le droit à l'avortement et le mariage comme le mariage pour les homosexuels ne justifie pas des prises de position fausses (sous l'angle qui m'occupe) ou de type boomerang.

S'en prendre à la liberté d'expression quand cela nous arrange n'est pas théoriquement correct et présente des risques. Croire qu'il faut réprimer par la voie judiciaire au lieu de convaincre est la vraie naïveté. Et vouloir faire taire des voix discordantes, même dans des cas chargés d'affectivité, m' insupporte.

Au total, on voit bien à l'oeuvre la constitution par certaines lois d'une sacralité, dont le caractère récent explique en partie la vigueur et l'intolérance. Comme tous les sacrés, cela ne va pas sans hypocrisie ou fausse pudeur (Stéphane Mercier en était-il vraiment à ses premiers propos de cette sorte ? Sa Faculté ne savait-elle rien ? Son directeur de thèse ne le connaissait-il pas ?).

C'est comme ça. On nous parle par exemple de cordon sanitaire face l'extrême droite et donc en France face à Marine Le Pen. Si vous y croyez, jetez un coup d'oeil sur les photos des poignées de mains de Mélenchon et Hamon avec Marine Le Pen lors du débat sur TF 1 le 20 mars. Vous les trouverez dans Le Monde du 22 (pp. 6-7 pour Hamon et p. 10 pour Mélenchon).


 

(1) Bulletin de la LABEL, N° 58 (décembre 2016), Arguments pour et contre l'incitation à la haine, p. 4.

(2) Site d'El Pais, Hazte Oir,la "guerilla" del ultracatolicismo espanol, le 3/3/2017 et encore le 7/3/17.

(3) Site d'El Pais , le 17/3/17.

(4) Site d'El Pais (en anglais) le 23/3/17, Spain's "transphobic bus"rolls on the streets of Manhattan" et le 24/3 (en espagnol), Atacado el autobus de Haztz Oir en Nueva York.

(5) Elodie Blogie, Un ultra embarrasse l'Unif catholique, Le Soir du 23 mars 2017.

(6) Voir l'excellent texte de Jean Bricmont et Michel Ghyns, Propos anti-avortement à l'UCL : la liberté académique menacée?, site plus.lesoir.be le 29/03/2017 et sur http://belgicatho.hautetfort.com/media/00/01/2455784560.pdf.

(7) Le Soir des 25-26 mars 2017.

(8) Jean-François Kahn, La gauche médiatico-bourgeoise et les dénis de réalité, Le Soir du 28 février 2017.

(9) Michel Guerrin, Le double alibi de Mehdi Meklat, Le Monde du 15 février 2017.



Eloge de l'athéisme

Marc Scheerens

Hier (ou avant-hier ?)

«Comment vivre ?» et «Pour quoi vivre ?  Ces inquiétudes habitent les humains. Elles titillent les intelligences depuis des lunes. Elles ont engendré des comportements, des us et coutumes et nos cultures. Qui peut, pourtant, affirmer qu’il n’y aurait qu’une seule réponse possible, un seul comportement valable ? Cela impliquerait la découverte et la soumission à un déjà-là contraignant. La liberté de choisir un sens personnel à l’existence serait restreinte.

Après la sortie du ventre maternel, certains humains manifestent déjà un vouloir non-vivre ! Même conçus par un acte volontaire et amoureux, ces débutants ne voient pas pourquoi ou comment vivre. Ils mettront parfois des années à en finir avec ce "cadeau" qu’ils ne peuvent pas gérer : ce sera l’autisme, l’aboulie ou le suicide, au grand désarroi de leurs géniteurs qui avaient cru bien faire. Pour chacune et chacun, encore dans l’inconscience, vivre est la conséquence d’une décision de vouloir vivre, vouloir grandir, se vouloir et s’accepter comme élément physique en lien avec d’autres vivants.

Pour créer le lien, pour entendre ce que l’autre ressent, l’humain a dépassé les caresses, le reniflement des odeurs, le marquage d’un territoire : il s’est donné un langage. Il fallait plus que les cris, les jappements, les pépiements pour maîtriser l’environnement ou en connaître le fonctionnement.

Comment se protéger du froid ou de la chaleur ? Comment se nourrir et boire ? Comment reconnaître, dans l’animal ou le végétal, le comestible ? Sans doute, dans cette quête du comment survivre,  il y eut bien des morts et des échecs, qui ont formé la mémoire, puis sont devenus un savoir transmissible.

Dans les contes pour enfant, il y a souvent des allusions à des dragons, à des loups violents, à des animaux surpuissants   ils sont la trace mémorielle du combat des anciens car, pour vivre en sécurité sur un territoire, ils ont dû, quoique faibles, éliminer des occupants du genre animal dix ou cent fois plus puissants.

Quand le comment survivre fut assuré, quand un peu de paix eut diminué l’inquiétude, l’humain a pu explorer un autre jardin, plus secret, plus intérieur. Il a pu entendre son propre questionnement : «Pour quoi je veux vivre ?» «Est-ce que mon existence est ordonnée ?» «Est-ce que la vie a un sens (pré)déterminé ?». Autour des feux de veille, les guetteurs devaient chercher, en chacun, un mode d’emploi, une réponse à cette nouvelle inquiétude et la partager. Ne maîtrisant pas encore, par un savoir scientifique éprouvé, le fonctionnement du vivant et les relations de la terre avec les astres, ils ont construit un ensemble de réponses apaisantes. Ils avaient pu tuer les dragons mais ils ne pouvaient pas vaincre le soleil. Ils avaient canalisé l’eau potable mais ne pouvaient vaincre les tempêtes. Ils ont voulu pactiser avec ces forces indomptables. Au désir de vivre en paix et d’être satisfait, postuler que la fin de l’inquiétude viendrait de la soumission au mystère dans la prière et l’adoration semblait une belle réponse. Et ce fut l’engendrement humain des religions, d’un système cohérent et crédible pour vivre ensemble, partager les tâches utiles, habiter et produire le nécessaire vital.

Aujourd’hui

Arrivant en fin de mandat, le président Obama entend faire voter une loi qui donnerait à l’athéisme droit de cité aux Etats-Unis. Dans cette partie du Monde, la richesse est sacrée et le dollar en porte la trace ‘In God we truth’. Il n’est pas d’allocution officielle qui ne se termine par ‘God bless America’, quelle que soit la foi ou la croyance du locuteur. Faut-il considérer comme un progrès qu’enfin, dans cette partie du Monde, dans cette gestion d’un espace habité, l’athée doive bénéficier de la même protection légale que les homosexuels, les transgenres et les minorités ethniques ? Puisque Dieu est improbable, n’est-il acceptable logiquement qu’il puisse être nié ? Faut-il protéger par la loi ceux qui ne croient pas ? Quelle humanité ou quelle conception de l’humain une telle décision politique laisse-t-elle transparaître ? Etre "sans dieu" ne serait pas un droit fondamental et inaliénable… .

Ailleurs, pas loin de nos terres, un homme revendique le droit de figurer en photo d’identité la tête recouverte d’une passoire pour répondre aux exigences de son culte : le pastafarisme. Bien des esprits éclairés se gausseraient de cette foi : un spaghetti géant, passablement enivré, aurait engendré l’Univers, l’alcool le conduisant à bâcler sa tâche avec pour conséquence le chaos de nos existences. Absurde ou provocateur ? Même si cette nouvelle mythologie ne tient pas devant l’explication scientifique actuelle, elle questionne toutes les réponses religieuses sur l’origine du monde. Ce qui pourrait être un canular invite les adeptes ou les pratiquants d’un culte ou d’une religion à questionner leur croyance. N’y aurait-il pas dans la transmission des religions des formes de canulars tout aussi absurdes ? Affirmer que tous les êtres humains descendent d’un seul couple unique (et donc d’incestes successifs), ou que le jardin "Terre" et son peuplement se soit fait en six jours, ne participent-ils pas de la même absurdité ? S’il est possible d’admettre que ces textes anciens témoignent de la quête du sens (pour quoi et comment vivre ensemble), ils ne sont pas des vérités. Ils sont même faux historiquement et scientifiquement et pourtant ils ont aidé à l’émancipation, à la libération de l’humain. Alors…

A l’heure où certains veulent aduler leurs livres de référence et justifier, même a posteriori, tant de massacres au nom des religions, il est nécessaire que l’athéisme existe pour critiquer le langage religieux dans sa volonté d’hégémonie. L’honnête homme qui ne peut postuler l’existence de Dieu n’en est pas moins un semblable, un humain.

Tout qui utilise sa tête pour penser et analyser son vécu peut affirmer qu’en dehors de ce vécu il n’y a rien, tandis qu’un autre, avec la même sincérité, peut opter pour l’improbable et décider que Dieu existe et même penser en mériter la récompense promise. Ces deux humains sont complémentaires. Le premier devra questionner tous les canulars qui font les croyances et pousser l’autre à analyser son discours et le pourquoi de ses certitudes. Le croyant qui n’aurait pas un incroyant à ses côtés serait même en grand danger d’abdiquer sa dignité humaine. Le second, par sa persévérance et son écoute, apprendra à nettoyer son discours. Il devrait arriver à cette conviction, ce sentiment qui ne peut non plus être nié, qu’il est aimé de Dieu gratuitement parce que c’est lui et qu’il est l’Autre, comme il en est du choix personnel de tout partenaire qui génère amour et tendresse. Il se montrera simplement amoureux de Dieu et, en conséquence, frère universel.

L’incroyant est nécessaire au croyant. Il peut aider chacun à se délivrer de « dieu », ce dragon, ce volcan, ce tout-puissant capricieux qu’il faut parvenir, par un culte adéquat, à mettre dans sa poche  comme dollars en son portefeuille. Un dieu talisman qui n’est pas un compagnon dans la quête de soi mais un protecteur obligeant. Un Dieu utérin qui n’enfante qu’à moitié et garde sa progéniture à l’abri du méchant, tout en ne lui permettant pas de vivre sans lui. Si les religion disent "dieu", Dieu n’est pas, pour autant, enfermé dans ces discours. Le plus souvent, ils servent les dominants, ceux qui revendiquent pour eux un pouvoir suprême, un pouvoir de vie et de mort. L’inspiration divine prétendue de leur discours religieux ressemblerait à un alibi pour les disculper de régner en maîtres.

L’incroyant est dans l’impossibilité de blasphémer puisqu’il est impossible de porter atteinte à ce qui n’existe pas. Et si, par peur, il reconnaissait le blasphème qui l’incrimine, il cesserait d’être incroyant, ce qu’il ne peut pas faire par honnêteté envers lui-même. Cependant, la rencontre et le dialogue entre celui-qui-croit et celui-qui-ne-croit-pas sont nécessaires à la pacification des esprits, à l’amélioration du comportement humain. Le croyant qui aime et connaît Dieu est souvent très proche de l’incroyant dans son refus du dieu réponse-à-tout, du dieu qui explique et peut tout. Je crois qu’un athéisme sincère et raisonné est nécessaire pour n’éluder aucune question sur le sens de l’existence.