Les sociétés commerciales ne défendent pas la liberté d'expression

Les mésaventures de la firme japonaise Sony à propos du film The Interview qu'elle a réalisé et dont l'avant-première était prévue le 11 décembre à Los Angeles sont des plus instructives pour la liberté d'expression.



Le film est une satire des pratiques du pouvoir nord-coréen et de son chef. Des hackers commandités par ce pouvoir ont piraté l'ensemble des systèmes informatiques de la firme, mis leur contenu sur la place publique et menacé Sony de représailles si elle projetait le film.

Sony, qui perdait 8o millions de dollars dans l'aventure, a cédé et annoncé le retrait du film des milliers de salles américaines qui devaient le présenter après, il est vrai, le refus de tout risque de la part des grandes chaînes américaines de diffusion en salles.

Le seul précédent notable remonte aux années '30 quand le régime nazi a forcé la MGM à  renoncer à adapter un roman anti-fasciste de Sinclair Lewis (Le monde du 19/12/2014).

Bref, la victoire de la Corée du Nord était totale. Heureusement le Président Obama, pour l'instant souvent bien inspiré, a qualifié d'"erreur" cette décision de Sony lors de sa conférence de presse du 19 décembre et a tranché en disant : " Nous ne pouvons pas avoir une société dans laquelle des dictateurs, quelque part, peuvent imposer la censure (Le Monde des 21-22 décembre).

Heureusement Sony s'est finalement partiellement ravisé et a accepté la diffusion dans 300 salles et sur Internet (5,99 $ sur www.seetheinterview.com). La crédibilité de Sony pour de futures productions était évidemment menacée.

Ce n'est pas la première fois qu'une grande firme commerciale accusée de blasphème religieux ou politique s'incline piteusement. Les firmes commerciales comme Sony sont souvent arrogantes et donneuses de leçon mais face à des problèmes de liberté d'expression, elles ne sont que des nains en comparaison d'hommes politiques (souvent) et  d'acteurs culturels (toujours).

Moralité : l'indépendance tant vantée du privé n'existe que par rapport à certains objectifs ou publics. Nulle raison évidemment de s'étonner qu'une firme commerciale privilégie son profit à court terme. C'est bien le sens de la décision de Sony et des chaînes de diffusion. Ces firmes démontrent seulement qu'elles ne sont que des sous-fifres qui ne peuvent décider seules de questions politiques.

Patrice Dartevelle