Bulletin 66 mai 2020

La transparence : de la banalité à l’idéologie
Patrice Dartevelle

L’économie du salut est en grand danger !
Marc Scheerens

Docteur-dogme
Marc Scheerens

 


La transparence : de la banalité à l’idéologie

Patrice Dartevelle

S’il est aujourd’hui un terme dont l’emploi s’étend sans cesse, c’est bien celui de transparence. Tout le monde se l’arrache, on le réclame partout. Une chaîne de supermarchés française en remplit deux pages entières avec « transparence » en grands caractères dans le journal Le Monde, pour dire tout simplement que l’emballage de ses produits en indique la qualité nutritionnelle et la provenance[1]. En utilisant le terme « transparence » dans un cas aussi trivial, au lieu de dire que c’est indiqué sur l’emballage, ne veut-on pas surtout se raccrocher à un mot-totem bien considéré, qui au fond seul importe? Et lorsque la transparence sur l’origine concerne les colonies israéliennes illégales en territoire palestinien, le nombre de partisans de la transparence baisse curieusement.

Exemple moins anecdotique, la France par exemple a créé en 2013 une Haute autorité pour la transparence de la vie publique, dont le président est un des plus hauts magistrats du pays. Elle est notamment responsable du contrôle du dépôt des déclarations de patrimoine des ministres et parlementaires et, le cas échéant, susceptible d’en vérifier l’exactitude.

Comme toute action appelle une réaction (du moins on l’espère, ce n’est qu’une formule toute faite), on voit paraître des ouvrages qui soulèvent le lièvre de la transparence.

Un philosophe germano-coréen, particulièrement réputé en Allemagne et dont plusieurs livres ont été traduits en français[2], Byung-Chul Han le fait avec un titre assez explicite, La société de transparence[3]. Plus connu pour nous, Régis Debray publie quasi simultanément un court ouvrage, Le nouveau pouvoir. Selon l’habitude française, celui-ci se veut une analyse de la politique du président Macron, d’où le titre. Une bonne partie du petit volume, une vingtaine de pages, y traite de la transparence comme projet politique[4].

Malgré l’aide des plus opportunes que m’apportent ces deux intellectuels, je ne risque pas de susciter d’emblée l’enthousiasme en m’en prenant à ce concept-phare à la mode. Pourtant, à bien y réfléchir, comme le fait remarquer R. Debray, jusqu’il y a peu, dire de quelqu’un qu’il était « transparent » n’était pas vraiment formuler un éloge.

En fait initialement on a voulu, sous le nom de « transparence », désigner une exigence croissante d’honnêteté face à des dissimulations pratiquement toujours financières, commises par des puissants, des hommes politiques importants et de hauts dirigeants de grandes firmes.

Je ne compte pas faire l’apologie de comportements de ce type, spécialité de beaucoup de dirigeants africains, dont on sait par exemple qu’ils ont ruiné l’Afrique en allant très souvent jusqu’à détruire ce que la colonisation avait apporté à leur pays. Je ne défendrai pas non plus l’ancien ministre français du budget Jérome Cahuzac, qui a du se démettre en 2013 pour avoir dissimulé au fisc ses avoirs à l’étranger.

Tâchons de sérier les différents aspects de la question pour y voir clair même si l’on comprend bien qu’ici comme souvent le problème est l’expansion d’un concept pertinent dans ses limites initiales à tout le champ des idées et des faits, bref la transformation d’une idée simple en idéologie. Et professer hautement une idéologie, ça sert à manipuler pour acquérir du pouvoir.

Même dans le domaine des restaurants et brasseries, on se sert de la transparence. Ainsi le fondateur d’un festival gastronomique en Belgique, Cédric Allard, parlant des brasseries déclare : »Les gens veulent de la transparence. Et ces modèles de brasseries qui ont fait faillite faisaient justement partie de ces modèles où il n’y avait aucune transparence »[5]. Que peut bien vouloir dire ce charabia? Si j’ai bien lu entre les lignes, il s’agit simplement de clouer au pilori les « vieilles salles » traditionnelles. La transparence, c’est propre, c’est moderne, c’est jeune. Tant pis pour les autre même si elles ont des décennies d’expérience et de référence.

Le domaine privé

Commençons par aborder la question au plan privé et personnel, ce qui est rarement fait ouvertement mais n’est pas forcément moins significatif et est peut-être plus philosophique.

C’est l’ouvrage de Byung-Chul Han qui s’y prête le mieux même si l’auteur glisse parfois vers le domaine politique et s’il faut parfois éviter de le suivre sans discernement[6]. À plusieurs reprises, j’ai peiné à le suivre quand il qualifie d’obscène ou de pornographique ce qu’il désapprouve complètement.

Pour lui, « La contrainte de la transparence nivelle l’homme et le ramène au statut d’élément fonctionnel d’un système. C’est là la violence de la transparence ». Et de poursuivre : « Seule la machine est transparente » tandis que l’âme humaine « comporte une imperméabilité ». Il s ‘en prend à l’idéologie de la post-privacy (théorie dystopique d’un monde où tout ce que vous faites serait public, soumis à commentaire et à critique). Celle-ci exige, au nom de la transparence, un abandon total de la sphère privée censé mener à une communication sans opacité ». Une telle optique revient à nier tout inconscient, tout désir. La transparence interpersonnelle n’et ni souhaitable ni possible; on ne peut annuler notre droit au secret et »L’autonomie de l’un suppose aussi la liberté, pour l’autre, de ne pas comprendre ».

En se joignant à Nietzsche, il légitime la ruse en désignant un des risques de la transparence : « La ruse vaut plus que la violence ».

Pour conclure, Byung-Chul Han prend Rousseau comme contre-exemple et anticipation des dangers de la transparence. Rousseau est un adversaire avéré du théâtre. Il s’est opposé au projet de création d’un théâtre à Genève parce que le théâtre « est l’art de se contrefaire, de revêtir un autre caractère que le sien,..., de dire autre chose que ce qu’on pense ». Cette phrase vient de la Lettre à d’Alembert mais La Nouvelle Héloïse est plus dure encore : « J’ai toujours regardé comme le plus estimable des hommes ce Romain qui voulait que sa maison fut construite de manière à ce qu’on vît tout ce qui s’y faisait ».

Notons qu’en choisissant le cas de Rousseau, Han rejoint le thème majeur de Régis Debray, selon qui nous allons vers un néo-protestantisme de style nord-américain ou nord-européen, tendance dont il attribue la responsabilité actuelle au philosophe protestant Paul Ricoeur, maître philosophique d’Emmanuel Macron.

La conclusion de Han est claire : la transparence, j’ajouterais « érigée en système complet et absolu », ne peut mener qu’à la tyrannie, pas fondamentalement celle du pouvoir, celle que la transparence instaurerait entre tous au plan privé Elle implique un contrôle permanent, donc la tyrannie. On n’est pas très loin de l’état actuel de la répression de blasphème, passée du pouvoir public à l’opinion et aux groupes les plus divers.

On peut bien sûr soutenir que la vie privée est non pas une illusion mais une parenthèse dans l’histoire de l’humanité. Elle serait propre à une époque, celle de la ville moderne classique des générations qui viennent de s’écouler, coincée entre la vie des villages, où tout se sait, et celle de la transparence électronique[7].

Non sans malice, Han soulève in fine un point inattendu : la transparence anéantit la confiance, contrairement à ce qu’on nous dit et à ce qu’une réflexion simple et immédiate pourrait nous faire croire. La confiance n’a de pertinence que lorsqu’il y a non-savoir. On ne peut accorder la confiance à quelqu’un que dans le seul cas où on sait sur lui des choses qui inspirent une confiance pour ce qui va au-delà de ce qu’on sait de lui et porte sur une partie où on ne sait pas tout de lui. La confiance ne porte que sur cette dernière partie. C’est ce que nous accordons aux médecins. Nous leur donnons notre confiance mais à nos risques et périls nous pouvons ne pas les suivre. En cas de transparence on s’incline devant l’évidence, on reçoit des ordres. En fait l’obsession actuelle de transparence trahit un sentiment d’exceptionnel manque de confiance.

Transparence ou vie privée?

Avant de passer au domaine public, il faut faire remarquer avec par exemple parmi d’autres, le journaliste Pierre Ghislain[8] que la passion de la transparence ne peut que difficilement faire bon ménage avec une autre, celle du respect de la vie privée, notamment face aux problèmes que suscitent et les possibilités qu’offrent les réseaux sociaux. Comme le concluent Natacha Polony et Jean-Michel Quatrepoint, après avoir soutenu que la transparence débouche sur la tyrannie : pour beaucoup aujourd’hui, « Celui qui ne veut pas s’afficher sur Facebook, doit avoir quelque chose à cacher »[9].

De fait nous entendons actuellement deux hymnes simultanés, l’un appelant à la transparence, l’autre au droit à la vie privée. Il se pourrait qu’on ait affaire à deux chorales distinctes, mais j’ai souvent l’impression que beaucoup croient n’en entendre qu’une.

D’autre sujets d’étonnement existent comme les les questions que les porte-drapeaux de la transparence ne posent pas. Ainsi du « secret maçonnique », parfait opposé de la transparence et toujours bien en vigueur. Les dirigeants d’extrême-droite de certaines régions d’Italie ont posé le problème (il s’agissait d’exiger une déclaration d’appartenance de la part des fonctionnaires) mais seuls les très naïfs pensent que c’est de transparence qu’ils se soucient. Lors d’une conférence le 11 décembre 2019, consacrée à la présentation du livre consacré à l’antimaçonnisme qu’il avait dirigé et coordonné[10], Jean-Philippe Schreiber, dans une repose à une question, admettait aisément le problème et exprimait clairement l’idée que ce secret aujourd’hui posait problème et était fortement à contre-courant. Admettons aussi que la même remarque devrait valoir pour l’Opus Dei.

Le domaine public

Pour ce qui est de l’activité des pouvoirs publics, certains problèmes sont connus depuis longtemps.

Le cas le plus flagrant porte sur les secrets diplomatiques et militaires. Ils sont indispensables mais très difficiles à maintenir dans les démocraties contemporaines. D’aucuns ne sont pas loin de demander des négociations publiques en matière de conventions internationales. Cela ne peut mener qu’à un durcissement des positions de chacun et le nombre d’accord signés risque de diminuer, ce qui n’est pas une bonne chose. Il ne m’apparaît pas que par exemple les tentatives de prise de pouvoir de négociation par des parlements aient abouti à quoi que ce soit de positif. Nul ne conteste évidemment qu’un vote final des parlements sous forme d’une loi à article unique soit nécessaire. En ces matières de relations internationales, il faut tenir compte des différentes parties - que l’on ne choisit pas souvent- et de leur nature étatique: les États ne font pas de cadeaux, même entre alliés. Divulguer, être transparent peut facilement aboutir à rendre un accord, une action impossible. La manière dont en son temps le ministre belge des Affaires étrangères et de la Défense Didier Reynders a éludé par un certain silence les questions parlementaires sur la présence d’ogives nucléaires dans une base aérienne belge, illustre bien la difficulté, ici celle d’être pris dans le cadre d’une organisation commune à plusieurs pays - selon moi basée sur un texte périmé mais peu importe[11].

Il faut aussi être conscient, et on y reviendra dans quasi tous les cas, que ceux qui réclament la transparence sur une question de ce type n’ont en réalité d’autre but que de contrecarrer une politique, dans un domaine où sauf -et encore- dans quelques grands pays, l’opinion publique est généralement étrangère à ces problématiques, qui d’ailleurs pèsent peu le jour des élections. Est-on sûr de leur attitude dans la situation inverse, quand ils appuient une politique étrangère?

Le cas de l’espionnage est plus désespéré encore.

Il est toujours aussi actif même dans sa branche « action » (je songe par exemple à l’affaire Skripal, du nom de l’ex-agent secret russe empoisonné avec sa fille en 2018 en Grande-Bretagne par des agents russes). L’opacité lui est consubstantielle et rien n’indique qu’il soit d’un autre temps. C’est même le contraire du fait du développement technologique.

Par exemple, l’expert de l’Ecole des hautes études en sciences sociales de Paris, Olivier Chopin, ne peut que conclure que « L’opacité et le secret d’État demeurent essentiels au travail de renseignement »[12]. Mais quand on dénonce l’opacité de la décision de mener l’opération Rainbow Warrior en 1985 ( au prix d’un mort, mort involontaire sans doute, les services secrets français avaient saboté et coulé un bateau de Greenpeace qui cherchait à empêcher des essais atomiques français en Océanie - opération dûment autorisée par le président Mitterand-, on soulève un problème réel mais le fait est que les protestations venaient presqu’uniquement des adversaires de la force de frappe nucléaire française.

Ceci n’est pas là l’essentiel pour mon propos mais peut en être l’introduction.

Régis Debray pose le problème en termes de « grande histoire », concept peu belge mais à qui il arrive quelques fois par siècle de déterminer notre existence. R. Debray est clairement méfiant à l’égard de la transparence en politique et ne résiste pas à la formule incisive et parle, visant la France, d’une « nation réhabilitée dont les deux mamelles ne s’appelleraient plus labourage et pâturage mais étalage et déballage ».

Il caractérise ainsi la politique actuelle, c’est-à-dire la manière d’en faire, en disant : « Le repli domestique, propre à la société du bien-être et de l’épanouissement personnel, dépolitise la politique[13] en substituant à l’examen des alternatives l’ouverture des placards...Partis, Institutions, associations et personnes morales...cèdent la vedette aux personnalités individuelles, bonnes, elles, pour le micro et la caméra. »

Tout à l’inverse pour Debray, un chef politique d’envergure a par construction une stratégie : « cacher son jeu, manipuler les alliés, fréquenter des malfrats, lancer de fausses promesses, liquider ses rivaux, jeter au panier ses premiers soutiens...c’est ainsi que j’ai vu faire tous les bons professionnels qu’il m’a été donné d’approcher ».

Le dilemme pour lui- j’ajouterais et pour l’histoire-est simple. Ou bien l’homme politique d’envergure fait ce qui vient d’être dit et il insulte la morale ou bien il ne le fait pas et il insulte le métier. R. Debray voit dans la tendance actuelle à choisir la seconde façon « une démission collective assez peu flatteuse». Je le dirais autrement, en prenant le risque de me répéter, l’éthique de conviction prend de plus en plus le dessus sur l’éthique de responsabilité. et je crains qu’on tire de cela quelques satisfactions et beaucoup de désillusions et d’amertume et qu’on finisse par miner des régimes démocratiques dont on idéalise les capacités (ou certaines d’entre elles : pour la liberté d’expression, c’est l’éthique de responsabilité qui est invoquée en dépit de toute logique et de tout bénéfice). Mais défendre la « real Politik » paraît relever du blasphème. Son utilisation est-elle pour autant dépourvue de bons résultats? En 1958, de Gaulle, qui a fait tous les actes que R. Debray prête aux hommes politiques d’envergure-sauf à ma connaissance fréquenter délibérément les malfrats- reprend le pouvoir en garantissant devant une foule immense à Alger que l’Algérie resterait française, promesse qu’il abandonnera dès 1962 pour accorder l’indépendance aux Algériens. Que pensait-il vraiment à ce moment? Nul ne le sait vraiment mais il est sûr qu’élu président, il a rapidement vu que tenir sa promesse était impossible à tenir sans le crier sur tous les toits. Et de toute manière promesse archi-publique il y avait. Mais la prise de pouvoir en France par l’armée a été évitée et, hors des Français d’Algérie, plus personne ne conteste que la voie de l’indépendance était la bonne (ce que les Algériens en ont fait est autre chose). Parvenir au pouvoir et résoudre les problèmes était-il blâmable? Un pouvoir élevé gagne souvent à s’entourer d’un voile de mystère. Comparons avec François Hollande...

Luc Ferry dit pratiquement la même chose, sur un mode plus apaisé[14].

En réfléchissant sur le cas Fillon, il rejoint R. Debray sur un point fondamental. La revendication de transparence provient, dans son acuité, d’un « inconscient collectif qui a fini par enregistrer la désespérante montée de l’impuissance publique, l’incapacité de nos gouvernants à régler les questions les plus cruciales, celles du chômage, de l’insécurité, de la terrifiante islamisation des quartiers ou d’une école dévastée par des politiques aberrantes ».

Il y aurait certes à dire sur les causes de l’impuissance des responsables politiques- en dédouaner les électeurs serait fort naïf- mais le lien est certain. Quant à la moralité des hommes politiques, L. Ferry voit également que l’on s’égare. Les hommes politiques sont tenus à la légalité (dans les démocraties mais la terre n’est pas constituée que de démocraties) mais la moralité est autre chose: un être moral peut être un politique nul (même si l’immoralité n’offre évidemment pas la moindre garantie d’être bon en politique).

Sa conclusion est que mieux vaut que les politiques fassent preuve d’intelligence et de courage plutôt que de frénésie de transparence. Soit mais le courage politique est bien difficile actuellement: le risque de sanction électorale est grand pour les courageux.

Faux héros et vraies victimes

La quête de la transparence est fréquemment héroïsée, comme c’est le cas des lanceurs d’alerte. C’est souvent mérité mais pas toujours.

Jean-Claude Bologne aborde le sujet dans son ouvrage Histoire du Scandale [15], spécialement à propos des réseaux sociaux : « Les réseaux sociaux donnent à chacun la possibilité de susciter de petits scandales qui empêchent de régler simplement le problème, on va tout de suite vers le scandale, c’est un piège...Par ailleurs le scandale sert souvent à autre chose qu’à dénoncer des faits ».

On le sait, il s’agit de discréditer quelqu’un, n’importe qui qui a une once de pouvoir, de notoriété, de fortune et J.-Cl. Bologne de conclure : « Les grandes affaires qui ont donné au scandale sa vraie place dans l’histoire occidentale, comme l’affaire Calas avec Voltaire ou l’affaire Dreyfus avec Zola, ne fournissaient pas à ces écrivains l’occasion de gagner quoi que ce soit. Au contraire ».

La dénonciation légitimée par la transparence n’est en outre pas neutre et innocente. Elle participe presque toujours du « Tous pourris » , avant tout examen de la cause.

Deux cas me suffiront.

Trois très hauts magistrats de la Cour de Cassation française ont été traînés devant la seule instance disciplinaire possible, le Conseil supérieur de la magistrature. Des employés de la grand firme d’’éditions juridiques Kluwer avaient un litige avec cette firme. L’affaire va jusqu’à la Cour de Cassation devant les trois juges qui donnent tort aux employés. Ceux-ci attaquent la décision en se servant de ce que ces magistrats ont donné quelques (une ou deux selon le cas) formations rémunérées pour Kluwer dans le passé. Ils ont effectivement reçu par an pour ce travail une rémunération de +/- 600 €, soit entre 0,61 % et 1,62 % de leur traitement. Si les trois plus hauts magistrats français en droit social refusent ou ne peuvent donner des formations, qui ne s’adressaient qu’à des avocats et magistrats spécialisés, où est l’avantage? Plus d’opacité servirait-il la Justice? Qui peut croire que des montants aussi insignifiants ont créé un lien d’obligé entre la firme et les magistrats? L’avis du représentant du ministère de la Justice est pourtant partagé. Il estime qu’i n’y a pas faute disciplinaire mais que les magistrats auraient dû se déporter[16]. Peu importe le sens du jugement, le mal est fait. Pour d’aussi hauts magistrats, la plainte et son traitement suffisent à les discréditer...et ils préféreront ne plus donner de formation.

Prenons un autre cas en Belgique. En 2016, l’habituelle présidente de la Cour d’assises de Bruxelles porte plainte pour agression et vol des bijoux qu’elle portait. Des années durant la presse rapporte que c’est bien bizarre, que son témoignage n’est pas précis, qu’il pourrait s’agir d’une fraude à l’assurance, etc...Au début de 2020, la conclusion au bout de quatre années de soupçons publics largement étalés, est confondante : les bijoux étaient de toute manière assurés, qu’ils soient volés ou perdus[17].

Très généralement, derrière les dénonciations faites au nom de la transparence, il y a une morale implicite. Le dénonciateur ne la partage pas forcément mais sait qu’une partie de l’opinion sera choquée et il manipule cette partie. Il en va ainsi en matière sexuelle. La situation américaine est bien connue mais plus récente qu’on ne le dit (la presse n’ignorait rien des frasques de John Kennedy mais s’est tue). Un cas jugé symbolique est celui du sénateur Gary Hart. En 1988, sa désignation comme candidat démocrate à l’élection présidentielle paraissait acquise. Quatre ans plus tôt, il avait échoué à la deuxième place, derrière W. Mondale. Mais un journaliste révèle qu’il a une liaison extra-conjugale et Gary Hart doit se retirer. Inutile de rappeler les mésaventures de Bill Clinton mais rien ne fonctionne quand il s’agit de Donald Trump. Tout est question de manipulation.

Nul doute à mes yeux que le reportage photographique sur l’escapade nocturne de François Hollande chez sa maîtresse a joué un rôle significatif dans la perte d’estime des Français pour leur président. Le photographe ne l’avait-il pas imaginée? Et si on en avait fait de même avec les autres présidents? On ne l‘a pas fait avec François Mitterand et sa fille adultère alors que les gens informés savaient. Ce sont des situations courantes depuis toujours, le cas en France du président français Félix Faure mort en 1899 en faisant l’amour avec sa maîtresse est célèbre. La presse belge s’est tue jusqu’il y a peu sur les frasques de jeunesse du prince Albert et de la princesse Paola.

Laissons pour cette fois le secret commercial même s’il commence à être mis en question, par exemple sur le secret des affaires et son conflit avec la liberté de la presse. Mais les frontières entre le commercial sont de moins en moins claires. Ainsi au nom de l’obligation de transparence spéciale du secteur public, l’Institut royal météorologique (IRM) va devoir mettre en libre accès toutes ses données. L’Institut les vendait, ce qui finançait dix emplois de scientifiques, ce qui est dire leur intérêt[18]. On me dira qu’il y là aussi un autre problème, celui de l’aspect économique et commercial d’institutions publiques mais finalement le secteur lucratif disposera gratuitement des données et tant pis pour l’IRM.

Le conflit d’intérêts

Le motif donné à l’exigence de transparence est souvent la volonté de mettre au jour des conflits d’intérêts. Nul ne songe à nier qu’ils existent mais je crains qu’en peu de temps on ait là aussi créé un totem paré du graal des vertus de neutralité et d’objectivité, au mépris du souci de compétence.

Un des centres les plus actifs du problème est la question du lobbying. Je vais me risquer à l’aborder quitte à être traité de naïf, de complaisant ou pire. Il s’agit donc des contacts entre parlementaires, hauts fonctionnaires, ministres et membres de leur cabinet d’une part, représentants de firmes privées commerciales, soit internes soit recrutés spécialement (avocats, lobbyistes professionnels, etc..) d’autre part, dans le cadre de l’élaboration de lois et de règlements qui touchent au domaine de ces firmes. Nul ne semble s’en soucier mais disons d’emblée que le mot est indiscutablement péjoratif. La disqualification est faite a priori.

L’idée qui prévaut- penser à l’interdiction n’est pas sérieux-est de forcer les lobbyistes à s’enregistrer, à rendre publique l’existence de leurs rencontres avec les décideurs politiques et à contraindre ceux-ci à la même publicité. Les propositions de textes de loi ou de règlement transmises par les lobbyistes aux décideurs devraient être rendues publiques[19]. Pour qui l’ignore, proposer de tels textes est pratique courante et n’émeut pas par principe les décideurs, qui ne sont des marionnettes que dans l’esprit de certains même si bien sûr, il peut arriver qu’ils trouvent telle proposition intéressante.

Il me semble inutile de dire que toute proposition qui serait ainsi caractérisée n’aurait plus aucune chance d’être acceptée et que tout décideur déclarant des rencontres serait discrédité.

L’enjeu est la coconstruction des lois. On voudrait que les parlementaires, dont nul n’a testé le savoir avant leur élection, ce qui me paraîtrait contraire à toute démocratie à condition de ne pas leur prêter une compétence fictive acquise par magie (combien par exemple ont une formation scientifique?), décident, avec la seule aide d’une boule de cristal, sans parler à personne sauf d’autres parlementaires. C’est fortement mystique comme idée et fait fi de la technicité de la grande majorité des lois, ce qui les rend souvent illisibles pour le commun des mortels. C’est faire comme si intérêts et préoccupations de privés étaient par nature illégitimes. Tout récemment les députés belges ont eu à examiner un projet de loi sur les médicaments et leur prix dans les hôpitaux. Le projet comprenait 252 pages[20] (celui sur l’Obamacare en avait 1.600). Est-il imaginable de rédiger cela sans consulter l’industrie pharmaceutique et les hôpitaux? Mais j’imagine mal que tout le monde soit pour autant satisfait. Je comprends les raisons pour lesquelles dans l’enseignement belge, les socles de compétences sont approuvés par décret communautaire. J’ai un jour vu le décret en la matière sur le grec ancien. Sans une formation de philologie classique-la mienne- la simple lecture du texte est impossible. Un seul parlementaire était philologue classique et il y aurait parfaitement pu n’y en avoir aucun, ce que personne n’aurait pu regretter. . Quel est le rôle des parlementaires? De quoi la transparence est-elle le nom?

En outre on n’attribue l’appellation de lobbyiste que dans certains cas: les syndicats et le monde associatif ne se le voient jamais appliqué. Leurs intérêts sont-ils plus légitimes? Dans des inconscients sélectifs sûrement.

La transparence est une machine à produire de la défiance, à tout détruire par avance.

Je ne peux que rejoindre Régis Debray dans sa conclusion : « on risque d’abonder dans l’illusion de l’époque : un vivre ensemble, sans rien qui dépasse (c’est lui qui souligne) ».


 

(1) Le Monde du 11 décembre 2019.

(2) Élève de Peter Sloterdijk, il enseigne actuellement à l’Université des arts de Berlin après enseigné à Karlsruhe. Dans le compte rendu qu’il fait d’un autre livre du philosophe, Roger-Pol Droit dit qu’il est « un des essayistes les plus tendance en Europe »(Le Monde du 30 août 2019).

(3) Byung-Chul Han, La société de transparence, Paris, PUF, 2017, 93pp. Version originale allemnde, 2013. Traduction de l’allemand par Olivier Mannoni.

(4) Régis Debray, Le nouveau pouvoir, Paris, Les Éditions du Cerf, 2017, 96 pp. C’est la reproduction d’un article paru dans la revue Medium, N° 52-53, été-automne 2017. Un long extrait figure en bonne page dans Le Monde du 30 août 2017.

(5) Le Soir des 19-20-21 mai 2018.

(6) Dans le compte rendu qu’il fait du livre dans Le Monde du 25 août 2017, Roger-Pol Droit termine en disant : « Il convient de le lire, mais sans naïveté. Dénoncer les travers de notre époque est utile. Mais la peindre tout en noir n’est qu’un piège de plus ». Robert Maggiori dans le compte rendu qu’il fait du livre dans Libération du 31 août 2017 caractérise Byung-Chul Han comme celui qui, de tous « les philosophes contemporains vis-à-vis de la Toile, de la globalisation, des mondes interconnectés, des réseaux sociaux, est le plus critique et ne sauve presque rien ».

(7) je renvoie à un article non signé publié dans Le Monde des 29-30 avril 2018.

(8) Pierre Ghislain, « Gaffe aux GAFA », Espace de libertés, N° 471(septembre 2018), pp. 35-37.

(9) Natacha Polony et Jean-Michel Quatrepoint, Délivrez-nous du bien! Halte aux nouveaux inquisiteurs,Paris, Éditions de l’Observatoire, 2018.

(10) Jean-Philippe Schreiber, Les formes contemporaines de l’antimaçonnisme, Bruxelles, Éditions de l’Unversité de Bruxelles, 2019.

(11) Le Soir du 19 juillet 2019.

(12) Interview par GaÏdz Minassian dans Le Monde du 30 mai 2018.

(13) La belgique a certes une structure particulière mais qu’il y ait en Région bruxelloise un ministre dont l’une des deux ou trois fonctions principales, relevée dans sa titulature, soit de s’occuper des poubelles me fascine.

(14) Luc Ferry, « La moralité dangereuse », Le Figaro du 29 juin 2017.

(15) Paris, Albin Michel, 2018. En. Fait j’utilise l’interview qu’il a donnée à Pierre Maury dans Le Soir des 21-22 avril 2018.

(16) Pascale Robert-Diard, « Pas de sanction demandée contre trois juges accusés de partialité », Le Monde du 6 décembre 2019.

(17) Marc Metdepennigen, « La magistrate Karin Gérard lavée de tout soupçon », Le Soir du 7 février 2020.

(18) Louise Tessier, « La guerre des prévisions météo », Le Soir du 23 novembre 2018.

(19) cf Manon Rescan, « À l’assemblée, le lobbying décomplexé », Le Monde du 29 janvier 2020.

(20) Eric Burgraff, « Nouvelle économie dans les hôpitaux : la pilule n’est pas passée », Le Soir du 17 avril 2020.


L’économie du salut est en grand danger !

Marc Scheerens

D’après un correspondant bien informé de source sûre, un grand conseil, un sanhédrin céleste, s’est réuni en urgence pour décider de priorités à appliquer.

En effet, ces dernières heures, le pic des arrivages aux portes du purgatoire dépasse les possibilités d’accueil. Faudrait-il ouvrir une nouvelle salle d’attente pour ces âmes en transit ou procéder à un tri sélectif ? Certaines âmes arrivent sans avoir été préparées et des âmes chrétiennes n’ont même pas reçu leur savon d’eau bénite ! Bien des impuretés n’ont même pas été confessées in pectore, ce qui dénote un manque évident de regret. Que pourrait faire Dieu dans ce cas précis sans contrevenir aux règles séculaires fixées par ses représentants sur la terre ? (Cf. ‘Tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel- Mt 18,18)

Et la salle d’attente, qui pourtant voit son volume augmenter chaque année en fonction du développement de la population terrestre, ne peut plus être désencombrée puisque les messes payées pour les âmes du purgatoire ne peuvent plus être célébrées. Dans ce cas précis, il est clair que des clercs vont à leur tour souffrir de ce manque à gagner. Pour certains, il s’agit même du revenu de subsistance. Certains se verront contraints de quitter cette profession si utile à l’économie du Salut pour une activité plus terre à terre. Le nombre de prêtres en activités risque encore de diminuer. Et donc les relais pour se protéger du divin courroux.

En plus des messes qui ne peuvent être dites, les confessionnaux ne sont plus accessibles. Même si un tribunal du Vatican a, pour cette raison, accordé une indulgence plénière à tous les soignants du COID-19 et aux forces de l’ordre chargés de faire respecter le confinement, il reste un solde de péchés qui ne pourra être apuré immédiatement. S’il faut ajouter l’impossibilité de baptiser les nourrissons, tous les enfants nés du péché de la chair se voient privés de leur immunité. Faut-il rétablir les limbes pour qu’ils ne contaminent pas les élus possibles dans la longue file d’attente ? La miséricorde de Dieu aussi a des limites, celles imposées par ces circonstances imprévues. Mais après-tout, cette humanité n’a qu’à s’en prendre à elle-même puisqu’elle n’a pas accepté les limites du bon sens en voulant se prendre pour Dieu. Lui avait voué la terre au bonheur pour tous en fixant sa Loi mais certains en ont profité pour eux seul sans souci d’un partage équitable des ressources disponibles annuellement. L’écologie n’a pas fait école : elle coûterait trop cher.

Le grand conseil voit de haut ce qui s’organise en bas. Des messes pourront être dites sans public par tout prêtre pour infléchir les décisions divines vers un meilleur accueil, si pas obtenir une intervention directe de la Plus Haute Autorité dans le cours de l’histoire. Si le prêtre a quelques assistants, pour respecter la distance sociale, ils ne communieront pas, devant se contenter de la communion de désir, celle qui est suggérée pour un chrétien en danger de mort privé de l’assistance d’un prêtre. Un repas, même symbolique, où l’on ne peut pas manger, mérite-t-il encore le nom de repas? Si le rite en ces mots séculaires se suffit à lui-même pour acquérir les intérêts du dépôt sacré et passer outre la file d’attente en cas de décès, ne serait-ce pas un acte discriminant défavorable aux non-clercs ?

Devant cet imbroglio, prenant exemple sur le Comité Internationale Olympique, le grand conseil a remis sa décision à plus tard. En attendant, devant les portes du purgatoire, c’est l’enfer !

(Ce message d’humeur a été écrit au début de la crise, au moment d’ostentations outrancières. Pour un écoutant de la Bible, il y a préalable obligé « Que le droit et la justice coulent comme de l’eau et j’entendrai vos prières, dit l’Eternel ! »)


Docteur-dogme

Marc Scheerens

En début de chaque année, chacun a reçu ou subit un cri du cœur : « Bonne année, bonne santé ! La santé c’est ce qu’il y a de plus important, n’est-ce pas ! ». Derrière cette ‘acte de foi’, il faudrait lire un refus de la fragilité et de la commune mortalité. Et d’autres cherchent avec convictions la possibilité d’une non-mort puisqu’ils voient dans la mort une maladie comme une autre qu’il faudrait éradiquer. ‘Vivre pour ne jamais mourir’ devient une forme de religion de non-croyants. Pas de dieu à la manœuvre, seulement une prouesse humaine, scientifique et médicale. Pas de dieu, mais un transhumanisme déraisonnable. Car, l’analyse du vivant (plantes et animaux) nous montre ce mécanisme : la vie naît de la mort ; la vie évolue et diffère et ressuscite à chaque moment.

Ce que nous vivons comme pandémie devrait réveiller les consciences et la connaissance de soi. Les progrès techniques (des pays favorisés) a donné à croire que nous étions dans le ‘Meilleur des Mondes’ dès maintenant et que rien ne pourrait enrayer le bien-être, l’aisance, l’abondance. Nous avons les moyens, nous sommes prêts à faire face à tout ! Sauf que nous avons oublié la fragilité de l’être. Sauf que nous avons tenu pour rien l’intelligence. L’intelligence n’est pas d’abord une masse de connaissances accumulées. Elle est cette faculté que tous possèdent sans exception : lire en soi-même pour s’outiller et réussir à se situer dans la sphère du vivant comme un être pensant. L’intelligence est force qui devrait permettre à chacun de ne pas subir les diktats, d’où qu’ils viennent, mais à choisir le comportement qui favoriserait le bien-être de tous par tous. N’avons-nous pas démissionné pour nous soumettre aux dogmes vilement énoncé par ceux qui savent ? Utiliser en permanence l’intelligence pour lire la résonance en soi de ce qui se vit et se fait alentour est fatiguant, exigeant, transformant. Laissons à d’autres la charge de nous dire le mieux et de garantir un confort sécuritaire qui nous mettrait à l’abri d’une mauvaise santé. Restons responsables !

L’intelligence nous permettrait de lire dans cette pandémie non pas la fin du monde mais un rappel de ce que la mort fait partie de la vie. Avec un taux de létalité inférieur à 2%, le covid19 fera moins de victimes annuelles que les famines, les inondations, les accidents de la route. Ce qui frappe c’est la virulence et la vitesse de la contamination : en quelques mois ‘tous étaient atteints mais ils n’en mourraient pas tous’. La Belgique compte 100 à 110.000 morts par an et la grippe tue chaque année 10.000 personnes dans notre pays. Nous avons plutôt bien maîtrisé la situation par rapport aux pandémies d’autrefois. Comme dans la fable, il faut chercher un coupable, celui qui, tenaillé par faim, « d’un coup de langue le pré a tondu ». Aux USA, le verdict est simple : les Chinois en sont la cause. Et les pontes ne remettent pas en question le pillage des ressources de la terre, le besoin constant de s’enrichir, le système mondialiste qui, loin de garantir un mieux-être général, nous asservit. C’est l’équilibre total du Vivant qui est atteint par le virus fatal de la consommation en démesure, qui enrichit les riches et appauvrit les ayants-moins.

Un être en bonne santé, un être bien nourri, un être bien entouré de proches et d’amis est une ‘valeur’ économique. Il sera capable de produire et d’être utile au système mis en place, ce système qui génère l’argent nécessaire ‘au pain de chaque jour’. Paradoxalement, il est impératif que les biens qu’il produit soient atteints d’une ‘obsolescence programmée’ : il faut qu’ils meurent pour être remplacés par d’autres (qu’on dit meilleurs) pour que le système continue. Là, se découvre l’utilité de la mort, de la fragilité. Tout peut ou doit ‘disparaître’ sauf le producteur. C’est pourquoi, il faut le protéger de toute atteinte mortelle. La santé est alors la valeur suprême et sa mise en danger doit être résolue par la médecine devenue salvatrice. Pourtant, ne pas être contaminé par le Covid19 n’est un but suffisant dans notre existence. Les victimes, actuelles et à venir, du réchauffement climatique et du désastre économique, seront plus nombreuses que celle de cette pandémie. Est-ce que la soumission au dogme de l’économie est justifiable, elle qui a entraîné la perte du sens commun et du rôle régulateur de la politique ? ‘Le moins d’Etat possible’ n’est pas une solution pour un mieux-être global. Le dogme, qui a fixé la régulation du déficit acceptable, n’a-t-il pas entraîné un désinvestissement massif dans l’école, la Justice, les soins de santé dans nos ‘économies’ européennes ? Quand la fragilité et la létalité refont surface, tout en nécessitant une lourde médication assistée pour les plus atteints, il apparaît que le choix n’était pas le meilleur.

Une autre forme de dogme surgit dans l’écoute de l’actualité : la valeur absolue de la parole du Chef. Dans une conférence de presse sur la situation virale, M. Trump – dont la pensée est transparente? - déclare qu’il suffirait d’aller au soleil dans un milieu humide pour se débarrasser de l’envahisseur ou bien qu’il faudrait injecter un désinfectant dans les poumons atteints pour guérir. Il a certes le droit de le dire mais quand un journaliste le questionne sur l’efficacité réelle de ce qu’il propose, il argue : « Je le pense et il ne faut pas opposer la pensée du Président des États-Unis aux journalistes diffuseurs de fake news ». Ce qui se passe aussi en Hongrie et en Pologne, sous couvert de lois donnant tout pouvoir au chef pour combattre le virus ennemi, devrait inquiéter ceux qui se soucient encore d’une éducation de tous à une politique en responsabilités partagées par le plus grand nombre. Même s’il faut protéger la santé, même s’il faut garantir à tous le moyen d’être en santé par la justice et le partage, la liberté est encore plus importante que la santé. Elle est une dimension fondamentale de l’existence humaine. Elle naît d’une intelligence éclairée et insoumise. Elle a intégré que nul ne meurt de maladie mais du fait d’être un vivant. Cette épidémie, si nous prenons le temps d’en percevoir les effets et de les comprendre, devrait nous pousser à aimer la vie…et à donner à la vie d’autres moyens pour générer un bonheur qui soit plus largement partagé.

Les tilleuls du canal du midi (patrimoine mondial) sont les seuls arbres qui entrelacent leurs racines. Par ce biais, ils protègent les berges de l’érosion par un fort maillage de radicelles. L’inconvénient de cette sociabilité forestière est que si l’un est malade (feu bactérien), tous le deviennent. De cette ‘parabole’ écologique, quelle leçon pourrions-nous tirer pour renforcer et maintenir la solidarité indispensable entre tous partenaires du Vivant ?